Petite leçon d’atikamekw
Lucien Ottawa
30 Mars 2011
Manawan
« Onimiski, c’est comme le tonnerre, le courant électrique ou la foudre.»
Lucien Ottawa, Nehirowisiw
Chaque langue possède son vocabulaire et sa manière unique d’agencer les mots pour décrire les personnes ou les situations, exprimer les idées ou les émotions. Celle des Atikamekw est très imagée. Elle peut aussi bien nommer la Terre, cette « braise issue d’un éclat de soleil », que le train, ce « véhicule mû par le feu ». En un seul mot, elle peut identifier un homme, son métier et son état, mais cela demande beaucoup de lettres. Il en faut 32 pour désigner le « défunt petit mauvais électricien », mais tout le monde de la communauté sait de qui l’on parle !
Entrevue avec de jeunes Mohawks.
Tobi Mitchell
Nous constatons maintenant que beaucoup de jeunes enfants d’aujourd’hui parlent couramment la langue. Nous avons l’Akwesasne Freedom School, qui est une école d’immersion en mohawk, qui va jusqu’en huitième année. Et puis une autre de nos écoles a un programme d’immersion jusqu’en sixième année. On entend donc beaucoup plus de jeunes enfants qui parlent couramment la langue. Ma famille, mes grands-parents parlent couramment mohawk, et je pense que deux ou trois de leurs fils le font aussi. Mais ceux qui parlent couramment l’ont appris en travaillant avec des personnes plus âgées, qui communiquaient entre elles en mohawk. Ils devaient l’apprendre ou il pouvait y avoir risques de mort.
Mon père est dans la même situation que Marie : il parlait couramment mohawk avec nous. Nous comprenions un peu, mais il pensait que c’était mal. Je lui ai demandé : « Pourquoi m’as-tu mis dans le programme anglais? Pourquoi pas le mohawk? » Sa réponse a été : « Eh bien, nous voulions que vous réussissiez et, à l’époque, le mohawk n’était pas perçu comme quelque chose qui pouvait vous aider. C’était plus perçu comme quelque chose qui pouvait vous nuire. » C’est pourquoi je pense qu’une grande partie de la perte de notre langue vient de cette mentalité selon laquelle être indien n’est pas bien. Cela va vous nuire. Tout ce qui est en lien avec cela; vous devez être européen, vous devez être blanc pour réussir. C’est ainsi que nos parents étaient; ils voulaient plus pour nous que ce qu’ils avaient eu, alors ils ont fait ce qu’ils pensaient être juste. Et, maintenant, on constate un retour. On voit qu’il y a beaucoup plus de jeunes familles qui envoient leurs enfants à l’école Freedom dans les programmes d’immersion mohawk.
(Inconnue)
Je me sens chanceuse parce que ma mère m’a appris la langue. Mais pas avant que j’aie onze ans et que mon père ne soit plus dans le décor... Nous ne l’avons pas tué. Ils ont juste divorcé. [Rires] Comme je disais, sa famille comptait des catholiques purs et durs, alors c’était quand il n’était pas à la maison, ou dans la chambre, que ma mère m’apprenait. Mais quand il revenait, je savais que je devais rester à l’anglais ou il me punirait. Et quand il est finalement parti, je suis retournée à l’école Freedom, d’où il m’avait retirée. Ma mère est devenue professeure de langue mohawk là-bas. Et, aujourd’hui, elle a la responsabilité de donner les noms au Clan du Cerf, à la maison longue. Ainsi, jusqu’à ce que je parte à l’université, je parlais presque couramment mohawk et je connaissais beaucoup ma culture, mais comme j’ai été absente pendant cinq ans pour un baccalauréat en biologie, j’ai commencé à oublier la langue. Mais ma mère disait toujours : « C’est dans ton sang, même si tu ne le sais pas. Vide ton esprit de toutes tes autres pensées et tu sauras ce qu’ils veulent dire. » Parce que maintenant, quand je parle ou quand je discute, j’ai l’impression d’être à la traîne. Ça prend du temps, mais je vois en gros de quoi ils parlent. Je n’entends pas les mots. Je vois juste une image. Et c’est pourquoi je pense que la langue aide à protéger l’environnement, ou quoi que ce soit d’autre, parce que vous ne vous contentez pas de dire ceci ou cela, en fait, vous le décrivez. Vous voyez l’ensemble du tableau et comment il se relie.
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