L'enseignement du loup
Lazar André. Tite McKenzie. Manish McKenzie. Laurent Jérôme
6 Mars 2011
Schefferville
« Quand un loup attrape une proie, il ne laisse pas de viande. »
Tite McKenzie, Innu
Il y a 400 ans, il n’y avait pas de fours ni de congélateurs. En territoire, les ancêtres ne pouvaient se permettre de gaspiller. C’était une question de survie. La viande les nourrissait ; le bouillon de poisson leur donnait de l’énergie. La peau que l’on détachait avec soin servait à la fabrication des vêtements. En hiver, le sang chaud des bêtes abattues réchauffait les mains et prévenait les engelures. Tout a changé. Les pratiques se perdent et avec elles, les connaissances. Le tannage est long et laborieux. Peu de femmes s’y adonnent encore. On n’utilise plus toutes les parties de l’animal. On s’habitue au gaspillage. On a oublié l’enseignement du loup.
Compte-rendu d’un enregistrement réalisé avec Tite McKenzie, Lazar André et une femme. Ils sont en train de dépecer un caribou.
Femme
Avec ça là, tu peux faire plusieurs mets. Tu peux faire bouillir un peu. Tu peux faire des pâtés à la viande, des ragoûts aussi. Mais celle-là, tu [la] fais bouillir. C’est tout bon… C’est tout bon, de la viande de caribou.
Tite McKenzie
Nos ancêtres conservaient tout. Tout. Pas d’gaspillage.
Femme
Tu peux tout… Tu peux faire des saucisses aussi.
Intervieweur
Ah! Vous gardez tout, tout, tout là?
Lazar André
Normalement, on va garder la peau aussi.
Tite McKenzie
C’est comme les loups. Un loup, quand il abat son gibier, penses-tu qu’il va laisser de la nourriture? Il va tout manger et pis y va tout garder pour lui. C’est le même principe pour les Innus.
Femme
Quand je prépare la viande de caribou, je prépare une bannique. Ça prend toujours une bannique.
Intervieweur
Là, tu vas garder la peau aussi?
Femme
Oui!
Tite McKenzie
On va la faire bouillir!
Femme
Non, c’est les madames qui font ça.
Lazar André
C’est long faire ça, tanner la peau. Une de mes tantes […] fait le tannage traditionnel.
Femme
Y faut sécher la peau. Après ça, il faut enlever la viande qui est là. Ça prend du temps d’après c’que j’ai vu, d’après ma tante là. Avant, le sang qui est là, ils l’prenaient, nos ancêtres. Ils l’prenaient pis y l’faisaient bouillir.
Tite McKenzie
Ils le faisaient… Le sang en bas d’la colonne là, c’était chaud le sang là. On battait l’froid. On battait l’froid avec ça. Ils buvaient le sang encore chaud du caribou. Pis avec le sang en dessous, y mettaient les mains pour pas c’les geler. La viande pis le sang encore chauds, ça protégeait des engelures. Avant, nos ancêtres, y’avaient pas de couteaux. Ils arrachaient ici. Ils suivaient la jambe. Ils prenaient tout ça pour la peau. Y voulaient pas briser la peau.
Lazar André
C’était avec ça qu’ils faisaient les vêtements.
Femme
J’avais déjà vu une peau fait[e] à la main là. Y’avaient un habit pour enfant. Y faisaient des habits avec ça.
Intervieweur
Avec la peau de caribou?
Femme
Oui. Y’avaient un p’tit habit là.
[…]
Intervieweur
On mange pas les poumons…
Tite McKenzie
Non, les poumons servaient : la concentration d’la cervelle mélangée avec des poumons pis avec du sang pour tanner la peau d’caribou pis pour adoucir la peau d’caribou pour faire les vêtements.
Intervieweur
Pour qu’elle soit souple.
Femme
Durant l’été, j’ai vu ça. J’ai vu ma tante faire sécher la peau et la tanner pis l’assouplir.
Tite McKenzie
Y’a 300 ans, 400 ans avant, y’avait pas d’four, y’avait pas d’micro-ondes. Comment y mangeaient, tu penses, les Innus? Au feu, pour cuire, bouillir le poisson, le caribou, la viande, les perdrix... Ils faisaient bouillir. Ils pouvaient frire, de temps en temps, mais plus souvent qu’autrement, ils faisaient bouillir le poisson et ils buvaient aussi le bouillon. Le bouillon de poisson là, c’est gras. Oméga-3 là. Ça dit que ça donnait des forces. Ben, eux autres, ils buvaient ça en bouillon… Ça donnait de l’énergie en maudit! C’pour ça qu’ils ont survécu.
Tite McKenzie
Tu gaspilles rien. Dans le bois, t’as peur de manquer de ressources, donc tu gardes tout, les os aussi, surtout les os, c’est très important.
Tite McKenzie
T’as-tu vu la quantité de viande qu’on récupère du caribou? Y’a 500 ans, nos ancêtres n’auraient jamais toléré. As-tu remarqué ça ce que l’on jette?v
Femme
J’vais en donner à mes petits-enfants, mes petites filles, parce qu’on est une grosse famille, parce que j’ai 5 enfants et 11 petits-enfants. Je vais aller distribuer ça à la famille. Parce que les enfants, ils aiment ça, le caribou. Parce qu’ils mangent de la fondue. Ça fait longtemps qu’y’en ont pas mangé. Y’ont hâte là, et nous aussi.
Compte rendu d'une entrevue réalisée avec des aînées de Pikogan. Les aînées parlent anishinabe, et une dame traduit les propos.
A dit : « Autrefois, y’avait rien. Tout est différent, aujourd’hui. On s’en va dans l’bois, on a notre Ski-Doo. Avant ça, y n’avait pas d’Ski-Doo. Y’a une chainsaw pour couper le bois. Dans c’temps-là, y n’avait pas de chainsaw… Tout [[…] change. C’est plus facile aujourd’hui d’aller dans l’bois, mais autrefois, c’était pas pareil. » A dit : « Autrefois, on avait les chiens à traîneau, pis c’était notre moyen de transport. »
Tout c’que c’est qu’on utilisait dans le bois, autrefois, les outils qu’ils utilisaient… C’est tous des os d’orignal qu’on utilisait autrefois. Les outils, comme pour la tannerie là. La peau d’orignal qu’on a pour nos mocassins et pis la peau d’orignal qu’on utilise pour nos mitaines.
A dit : « À l’automne, mettons, on ramassait toute notre peau d’orignal pour le tannage, [pour] préparer pour faire la couture l’hiver. Même les raquettes : on utilisait les babiches d’orignal, la peau d’orignal pour faire des babiches, pour faire notre raquette. » […] Pour tresser les raquettes… Y prenaient pas les outils pour faire les raquettes. Y’utilisaient juste la babiche. Pour faire les liens, ça aussi, avec la babiche. Pis aussi pour le toboggan. Nous autres, à Maniwaki, on appelle ça une traîne sauvage. Pour les traîneaux, y prenaient la babiche pour faire les liens, pour l’assemblage, pis pour attacher des choses dans les traîneaux… Tout avec la babiche.
Quand on faisait la couverture, on avait la peau de lièvre. Le manteau… On peut faire le manteau avec la peau de lièvre. On fait des lanières, pis tu les frises. Ça faisait comme un cordon pis, ensuite, c’était comme tricoté là.
Y faut qu[’elle] soit gelée, congelée vraiment là, la peau de lièvre, tout l’hiver, dehors. Pis c’est là qu’y commencent à faire des lanières pis à faire des genres de cordons là, pour des couvertes. Y commencent à faire des manteaux. Ça faisait leurs cordes pour tenir les mitaines là. C’est ça qu’a vient de dire. […] C’est très chaud. Moi-même, j’ai eu des bas avec des peaux de lièvre pis des mitaines avec des peaux de lièvre quand j’étais jeune.
[…]
[La technique de fabrication d’items avec des peaux de lièvre] n’est plus pratiquée maintenant, on n’utilise plus ces choses-là parce qu’on ne reste plus assez longtemps dans le bois aujourd’hui. Avec les Ski-Doo, ça va vite!
[…]
Ça pouvait prendre entre 200 et 300 lièvres pour faire une couverture, dépendamment de la grosseur de la couverture; peut-être 300 pour une grande couverture pour deux personnes. Y’avait beaucoup de lièvres dans ce temps-là. Moi, je n’en ai jamais fait, mais j’ai vu ma mère en faire. A l’utilisait un cadre de bois pour tresser des plaques de peaux de lièvre.
[…]
A dit : « Moi, quand j’ai élevé mes bébés… Mes enfants, quand ils sont venus au monde… J’ai jamais utilisé de Pampers. » […] D’la swompe. On ramassait de la swompe, d’la mousse. Y ramassaient à l’automne pour faire geler ça à l’hiver. On avait des sacs, 9 sacs de 75 livres, des poches de patates là. Ça nous en prenait 9 pour l’année. T’enlèves tous les p’tits morceaux de bois. C’est pas n’importe quelle sorte de swompe qu’on prenait. Il faut vraiment savoir la bonne sorte, parce que si on n’a pas la bonne sorte, le bébé va devenir irrité et irritable. Y’a tellement de choses à dire... A dit : « Y’a tellement de connaissances. » On faisait aussi de la poudre pour bébé avec du bois pourri. Il y a tellement de choses à dire, tellement de connaissances qu’on pourrait parler de la vie dans le bois encore pendant toute la semaine.
Moi, quand j’allais dans le bois, il y’avait rien, y’avait pas d’couches. Pour laver le linge, y’avait pas de machine à laver. A dit que dans ce temps-là, y’avait rien… Y’avait rien qui pouvait me déranger. Quand les gens y vivaient dans le bois là, c’était pas si difficile que ça. Y’avait les techniques… C’était une habitude de vie.
Pour plus d’informations sur les différentes techniques traditionnelles dont traite ce texte, visitez :
http://veritablesexperts.com
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